Texte original (en anglais) sur http://donaldclarkplanb.blogspot.be/ >>>
Source française : Framasoft >>>
Est-ce que les élèves en achètent ? NON
J’écris ceci sur un netbook. J’ai un iPad mais je ne rêve pas de m’en
servir pour faire des recherches, prendre des notes, écrire ou pour mon
travail. Je m’en sers à la maison comme une sorte de matériel de
découverte, davantage pour « chercher, regarder et découvrir » que pour
« écrire, créer et travailler ». Mes enfants ne s’en servent jamais.
Quand je leur demande si certains de leurs camarades en ont acheté, ça
les fait rire. De toute façon, « pour le même prix on a des ordinateurs
portables ». Ils veulent un truc pour aller sur Facebook, lire leurs
courriels, éditer du son ou de la vidéo, jouer, programmer et
télécharger. Sur mes deux garçons, l’un a un MacBook, l’autre un PC
survitaminé. Je ne m’en sers jamais dans la mesure où j’ai surtout
besoin d’écrire et de communiquer — c’est simplement trop malcommode et
limité.
Est-ce que les étudiants en achètent ? NON
Que ce soit à l’école, au lycée ou à l’université, il semble que les
jeunes préfèrent les ordinateurs, que ce soit pour prendre des notes,
écrire des devoirs ou autres choses. Ils veulent la souplesse d’un
ordinateur complet, pas un appareil qui ait un look sympa. Les tablettes
n’ont pas envahi nos bibliothèques. Les étudiants font des recherches,
communiquent et, par-dessus tout, ont besoin d’écrire des quantités non
négligeables de texte, voire de code. Les tablettes ne le font pas pour
eux.
Est-ce que les employés s’en servent ? NON
Et puis il y a l’entreprise. Je n’ai pas encore vu une entreprise qui
ait décidé de généraliser les iPad ou des tablettes si ce n’est pour
des raisons ésotériques tournant autour de leur image de communicants.
Encore une fois, les gens au travail veulent un ordinateur complet et
connecté qui leur permet de faire des tâches fonctionnelles rapidement.
Quand je vois des iPad sur un lieu de travail, ils sont généralement
entre les mains de personnes d’un certain âge qui prennent des notes
(lentement) avec un seul doigt, qui se débattent pour télécharger des
documents et des feuilles de calcul et qui sont souvent les mêmes qui
demandent une copie papier de tous les documents de travail avant la
réunion. Un netbook à 299 £, pas de papier : ça me satisfait.
Alors pourquoi cet engouement pour les tablettes et les iPad dans les écoles ?
Mis à part ces motivations d’achat, pourquoi cette obsession des
iPad ? Je n’ai pas été séduit et je n’achèterai pas le package. Si comme
moi vous considérez que l’enseignement doit faire émerger des individus
autonomes qui peuvent construire une vie dans laquelle ils se sentent
en confiance avec la technologie, acquièrent des compétences grâce à
elle et en retirent le maximum à la maison ou au boulot, alors un iPad
ou une tablette est un mauvais choix et voici selon moi pourquoi…
1. L’écriture
La capacité à écrire se retrouve au cœur de l’éducation primaire,
secondaire et supérieure. Les enfants ont besoin d’être encouragés à
beaucoup écrire pour apprendre, que ce soit en prenant des notes, en
rédigeant des devoirs, des rapports, des manipulations de données, des
écrits d’invention ou des dissertations. Les claviers des écrans
tactiles sont inconfortables avec des taux d’erreur élevés et la manière
de sauvegarder, travailler en réseau, ou d’imprimer est tortueuse. On
revient à l’ardoise victorienne, voire bien pire en fait. J’en possède
une et je trouve qu’il est plus facile d’écrire sur cette ardoise plutôt
que de taper sur un iPad. Fait intéressant, en leur fournissant un
appareil si hostile à la création de l’écriture, vous pouvez faire
passer l’envie d’écrire aux élèves débutants. Répondre à cela en disant
qu’il est possible d’acheter des claviers pour les tablettes revient à
admettre une défaite. C’est répondre que les tablettes ne fonctionnent
que si vous les transformez en ordinateur. À quels coûts
supplémentaires ?
2. La créativité
Les tablettes sont faites pour consommer du contenu, les ordinateurs
(portables) permettent la création de contenus. Ce n’est pas parce que
les choses sont belles sur un iPad qu’elles sont faciles à faire avec
celui-lui. Les outils de création dans la plupart des domaines de l’art
et du design sont très différents des outils de diffusion. Essayez
d’utiliser Photoshop, Illustrator ou encore 3D Studio sur une tablette.
Essayez de faire une sélection pixel par pixel, d’utiliser des calques,
de faire des ajustements précis. L’écran n’est tout simplement pas assez
grand pour ce genre de travail. C’est un appareil que l’on tient à la
main, pas un outil de travail. Les tablettes sont rares dans le monde du
travail où l’écriture demeure nécessaire. La maîtrise du clavier et les
compétences sur d’autres appareils dont vous pouvez avoir besoin dans
la vraie vie ont peu de chances d’être acquises grâce à l’iPad.
3. L’informatique, les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), la programmatue je passe ion
Peu importe le but de l’apprentissage de l’informatique, de la
programmation ou des technologies de l’information à l’école, je ne
pense pas que l’iPad ou les tablettes soient appropriés. Apprendre à
manipuler un tableur sur un iPad est pénible. Vouloir apprendre à
programmer avec, ridicule. Quelle personne sensée voudrait utiliser une
interface tactile pour programmer, ce qui implique beaucoup d’écritures
détaillées, supprimant, ajoutant des lignes, aussi bien que dans un
environnement plus ouvert ?
4. Un appareil de consommation, pas d’apprentissage
Par-dessus tout, un iPad est un outil de consommateur, fait pour lire
et pas pour écrire. Il a un rôle à jouer dans les apprentissages,
particulièrement au niveau pré-scolaire pour les tout-petits, mais
au-delà, il n’y a pas d’argument sérieux pour justifier un
investissement de grande ampleur dans ce genre de matériel. La meilleure
preuve en est que quand les élèves ou les étudiants s’équipent en
informatique, ils n’achètent pas de tablettes. Ils achètent des
ordinateurs de bureau, des netbooks ou des ordinateurs portables.
5. Inadéquation avec les besoins des enseignants
Il y a l’exemple d’une école qui avait échangé ses ordinateurs portables contre des tablettes, et qui souhaite aujourd’hui faire machine arrière.
« La salle des profs se lamente », car les problèmes pédagogiques sont
évidents. D’un point de vue technique, les enseignants ont vécu cela
comme un cauchemar. La plupart des enseignants et le matériel
pédagogique qu’ils utilisent s’appuient sur Word et PowerPoint, et
l’utilisation de tablettes a entraîné des problèmes d’incompatibilité.
Certains professeurs ont dû faire héberger leur contenu à l’extérieur de
l’établissement, ce qui a posé des problèmes d’accès aux ressources. Il
y a également des problèmes d’affichage avec l’écran au format 4:3 des
iPad, des problèmes d’accès à Internet au travers des proxy. Mais le
principal problème reste la capacité de stockage et le manque de ports
USB. Cela implique l’utilisation de procédures plus complexes, comme par
exemple l’usage de DropBox et de tous les problèmes afférents. Les
tablettes ne sont pas des outils adaptés aux enseignants. Sans une
véritable connaissance des logiciels et des besoins des enseignants, il
n’y a aucune plus-value pour les apprenants.
6. Le prix élevé
Les iPad sont chers à l’achat et à l’entretien, et sont compliqués à
mettre en œuvre en termes de réseau et de périphériques. Ils sont conçus
pour être utilisés à la maison et non à l’école, dans les laboratoires
ou les salles de classe. Ce constat a été dressé par l’Honnywood
Community Science School, une école qui vient tout juste de se créer,
qui a acheté 1200 iPad pour un montant de 500000€ , dont la moitié sont
maintenant inutilisables. Il existe donc une réelle interrogation sur la
solidité de la technologie à l’école et dans les sacs des élèves, où
ces équipements sont malmenés, tombent et sont rayés. Pire encore, 20%
de ceux qui ont été envoyés en réparation en sont à leur deuxième ou
troisième retour au SAV. Bien qu’il ait été demandé 50€ aux parents par
tablette, ces dernières coûtent en réalité 450€ et les élèves ne
semblent pas prendre particulièrement soin de quelque chose qu’ils n’ont
pas acheté. Le coût final, quand on ajoute les réparations, est encore
plus élevé que prévu.
7. Des projets vaniteux
Une personne très bien informée, ayant participé à une réunion dans
les hautes sphères du gouvernement qui a décidé d’introduire les
tablettes à l’école, m’a dit que cela avait été pénible et bordélique.
Les tablettes, données par une entreprise informatique, furent bien
livrées à l’école, où le chef de l’établissement les dissimula aux
autres enseignants. C’est exactement comme cela qu’il ne faut PAS
introduire les nouvelles technologies dans les écoles : acheter des
appareils à la mode en grande quantité, les distribuer dans de belles
boites et espérer que tout ira bien. C’est le danger avec ces projets
fondés sur des tablettes, nous nous basons rarement sur une analyse
poussée pour choisir la technologie la plus appropriée, nous avons
plutôt tendance à nous baser sur le fait qu’Apple est à la mode ou sur
les conseils des fans de cette marque. Nous devons éviter de faire comme
tout le monde et de mettre en place des projets prétentieux qui
présupposent que ce qui est cool pour les consommateurs adultes sera
cool pour l’école.
J’ai passé toute ma vie d’adulte à encourager l’adoption des
technologies dans l’enseignement mais je veux être sûr qu’on ne se tire
pas une balle dans le pied avec des projets qui n’ont pas pris en compte
les sept points ci-dessus. Pour être honnête, je ne suis pas du tout
certain du bien-fondé d’une technologie imposée aux salles de classe.
Laissons les enseignants enseigner et, si vous introduisez ce genre de
choses, réservez plutôt une bonne part du budget à leur formation.
Conclusion
Une bonne technologie a toujours du style, et les iPad en ont à
revendre, mais c’est un style qui attire les adultes, pas les enfants.
Je peux comprendre l’utilité des tablettes pour des jeunes enfants, de 3
à 9 ans, et peut-être ayant des besoins spécifiques. Mais une fois
acquis les rudiments, les iPad sont un luxe que les écoles ne peuvent
pas se permettre. Ils ne sont pas non plus souhaitables, au regard de
l’apprentissage que dispensent les écoles à grande échelle. Ces
initiatives sont souvent menées avec un but technologique et non
pédagogique.
Remarquez que tout cela ne constitue pas une attaque contre les iPad
et les tablettes. J’en ai acheté une et je trouve ça bien. C’est un
ensemble d’arguments contre leur utilisation dans l’enseignement. Les
élèves à l’école, au lycée et à l’université ne les achètent pas avec
leur argent. Pas plus qu’il ne les utilisent lorsqu’ils en ont le choix.
Même s’ils étaient fournis, ces outils sont largement inadaptés à
l’écriture, aux besoins de l’informatique, des technologies de
l’information, de la programmation ou encore des autres tâches lors du
cursus scolaire. Cela est principalement lié au fait que ce sont des
appareils de consommation, passifs et non pas actifs, utilisés pour lire
et non écrire, avec une mise en avant de la consommation et non de la
création. Ils ne sont certainement pas adaptés à l’éducation.
P.S. : Je suis conscient de passer peut-être à côté de quelque chose
mais j’ai hâte de voir les recherches sur les améliorations effectives
dans les acquisitions, par opposition aux enquêtes qualitatives et aux
questionnaires.