jeudi 30 avril 2015

Pour une contre réforme du collège



C’est en discutant entre amis que nous est venue cette idée : proposer une contre réforme du collège.
Nous déplorons les orientations des nouveaux programmes, nous nous récrions de la moindre place accordée au savoir dans l’institution publique, nous rions nerveusement des délires pédagogistes et observons impuissants le succédané d’instruction imposé aux jeunes générations.
Mais, à ce jour, nous n’avons jamais lu de contre proposition véritable.
En voici donc une.
Cet article devrait commencer par un état des lieux de l’enseignement secondaire en France. Nous nous en passerons tant il est aujourd’hui sans appel.
Prenons cependant aux mots le ministère de l’éducation nationale qui désigne le collège comme «maillon faible» du système français et qui annonce souhaiter faire des enseignements élémentaires une priorité, tout en réduisant les contenus disciplinaires et les volumes horaires.
Dans notre conception de l’instruction, le collège se doit à la fois d’être très ambitieux et de bien préparer les jeunes adolescents à la suite de leur scolarité, mais sans perdre de vue qu’il s’agit justement de jeunes personnes.
Nous insistons ici sur les deux axes au cœur de cette contre réforme : la primauté des savoirs et l’explicitation des attentes implicites de l’école1.
Pas d’interdisciplinarité, de projets personnels encadrés, d’élève au centre de la construction des savoirs ou autres EPI donc dans notre projet. Il s’agit ici de pratiques certes louables chez un individu déjà formé et instruit, mais qui n’a aucun sens chez un enfant de onze ans qui ignore encore légitimement presque tout des disciplines qu’il aborde.
Nous constatons, sans trop nous étendre ici, que nous abandonnons notre modèle d’école pour un autre modèle. Nous finissons de délaisser le modèle de l’école latine dont nous avions hérité et que nous avons connu durant des siècles avec un succès certain, pour adopter un modèle d’école anglo-saxon construit autour d’activités et non de cours, autour de skills2 et non de savoirs.
Nous refusons ce choix, et réaffirmons la primauté des savoirs dans la formation de la jeunesse. Nous prétendons que sans un apprentissage long et exigeant de la langue française rien n’est possible. Nous soulignons le rôle des humanités dans la formation de l’esprit, y compris scientifique.
Voici donc un début de projet de contre réforme du collège.
De la sixième à la quatrième
Nos objectifs sont très clairs. Pour tout élève de fin de quatrième (quatorze ans) nous voulons:
  • Qu’il maîtrise parfaitement les règles grammaticales élémentaires et l’orthographe de la langue française. Qu’il sache lire sans aucune difficulté. Qu’il ait un vocabulaire important.
  • Qu’il ait connaissance des faits historiques et géographiques élémentaires (Histoire de France événementielle, chronologies, cartes, etc.).
  • Qu’il bénéficie d’un enseignement des mathématiques logique et exigeant (résolutions de problèmes, géométrie, calcul mental, théorèmes, etc.) le préparant efficacement à l’apprentissage des autres sciences.
  • Qu’il soit capable de tenir une conversation simple dans une langue vivante étrangère et de lire un texte simple. (2000 mots de vocabulaire, étude de la grammaire exhaustive, conversation)
Seulement une fois ces savoirs acquis, l’élève sera capable de poursuivre des études secondaires sereinement, de tirer pleinement profit de son intelligence et de découvrir de nouvelles disciplines.
Il n’y a rien d’utopique dans ce programme.
En prenant une base de 28h hebdomadaires d’enseignement, comparable aux 27.5h du collège unique, voici ce que nous proposerions de la sixième à la quatrième (nous parlerons de la troisième plus tard) :
Volume horaire de la sixième à la quatrième

Contre réforme
Collège
Français
8h
4.5h
Histoire-Géographie
6h
3h
Langue vivante 1
4h
3h
Mathématiques
6h
4h
Latin
4h
néant
Langue vivante 2
néant
2.5h
Technologie
néant
1.5h
Musique
cf. mesure annexe
1h
Arts plastiques
cf. mesure annexe
1h
EPS
cf. mesure annexe
4h
Physique
néant
1.5h
Biologie
néant
1.5h
TOTAL
28h
27,5h
L’enseignement de la langue française est ici fortement renforcé. Les élèves y apprendront la lecture, la grammaire, les conjugaisons et l’orthographe avant toute autre chose, de façon raisonnée, exhaustive et exigeante. Aucune leçon ne sera jamais laissée de côté une fois achevée. Les travaux d’écriture seront évalués sur leur forme autant que sur leur sens. La littérature sera un agrément plaisant et à visée édifiante.
Quatre heures de latin pour tous les élèves permettront de renforcer la syntaxe et la logique des élèves, tout en enrichissant leur vocabulaire. Le thème et la version seront deux exercices pratiqués couramment. L’histoire de l’Antiquité sera abordée au sein de cet enseignement, transmettant ainsi les bases du savoir humaniste.
La première langue ne sera pas obligatoirement l’anglais. La grammaire de la langue sera étudiée méthodiquement et le vocabulaire construit de manière raisonnée.
Il paraît nécessaire de doubler le temps alloué à l’Histoire et à la Géographie. L’enseignement de l’Histoire se fera de manière chronologique afin d’offrir un cadre de compréhension du monde, ce qui n’interdira en rien la réflexion. Les approches thématiques sont donc abandonnées.
Les élèves y apprendront l’histoire de France du Vème au XIXème siècle. Les savoirs objectifs primeront l’analyse qui sera réservée aux classes supérieures.
En Géographie, les adolescents apprendront les bases de la géographie humaine nécessaires à la compréhension de l’histoire, et plus tard de l’économie.
L’enseignement des mathématiques sera grandement renforcé. Seront enseignées toutes les bases nécessaires à la pratique des sciences et à la vie courante. Les aspects technique, calculatoire et logique ne seront pas dédaignés.
Si l’enseignement des arts et du sport disparaît du collège, il sera cependant obligatoire de pratiquer deux de ces activités au sein d’une structure spécialisée : club de sport, école de musique ou école de beaux arts.

Voici ainsi à quoi ressemblerait l’emploi du temps hebdomadaire d’un collégien de la sixième à la quatrième :
jhdhdfgh
Pas de classe le mercredi afin de se reposer et de pratiquer des activités sportives et artistiques.
Classe le samedi matin.
Deux heures d’étude surveillée chaque soir permettront aux élèves d’apprendre leurs leçons. Ces heures seront obligatoires pour tout élève en difficulté. Ces heures d’études seront dirigées par les professeurs de l’établissement.
Les élèves présenteraient le brevet en fin de quatrième.
Une orientation vers des voies professionnelles (CAP, apprentissage.) serait possible au sortir de la classe de quatrième si l’élève a obtenu le brevet.
La troisième
Il s’agirait d’une classe préparant à un lycée dont il faudrait aussi faire la contre réforme.
Volume horaire de la classe de troisième

Contre réforme
Collège
Français
4h
4h
Histoire-Géographie
4h
3,5h
Langue vivante 1
4h
3h
Mathématiques
4h
3,5h
Latin et Grec
2h+2h
néant
Langue vivante 2
4h
2,5h
Technologie
néant
1,5h
Musique
néant
1h
Arts plastiques
néant
1h
EPS
néant
3h
Physique
2h
1,5h
Biologie
2h
1,5h
TOTAL
28h
26h

Les stratégies pédagogiques resteraient les mêmes qu’exposées précédemment, cependant :
L’enseignement du Français se tournerait désormais vers l’étude de la littérature et de l’histoire littéraire tout en continuant de renforcer la maîtrise technique de la langue.
L’Histoire et la Géographie auraient pour objet l’étude du XXème siècle. On introduirait de manière raisonnable des sujets de réflexion.
Les élèves débuteraient une deuxième langue vivante et découvriraient le grec ancien tout en poursuivant le latin.
Les sciences physiques et la biologie seraient enseignées dans l’optique du lycée.
Nous voulons croire qu’ainsi, il serait possible de voir se construire un collège répondant aux aspirations de la population française : un collège qui donne à ses enfants les savoirs nécessaires à la compréhension du monde tout autant qu’à la poursuite d’études ; un collège offrant suffisamment de maîtrise de la langue pour permettre à tout élève de lire un texte par lui-même et d’être ainsi autonome dans ses apprentissages futurs ou dans sa vie adulte.
Nous voulons croire que le désamour et le dédain des jeunes générations pour l’institution scolaire proviennent avant tout de la démission de cette dernière. Nous sommes certains que les enfants des classes populaires méprisent une école qui leur fait croire à l’intégration sans leur donner les armes pour combattre les déterminismes sociaux. Comment estimeraient-ils une école qui n’a même pas réussi à leur apprendre à lire et à écrire ?
Nous voulons aussi croire que cette contre réforme salutaire profiterait autant à la société qu’à la recherche universitaire.

Lassés de ne rien faire et de déplorer le monde comme il va, et persuadés qu’il est devenu impossible de se battre au sein de l’institution publique pour faire entendre la voix du bon sens, nous avons désormais la détermination de créer un premier collège hors contrat (à but non lucratif), libre d’appliquer les méthodes d’instruction que nous avons ici exposées.
Tout reste à faire : réfléchir encore, construire précisément les programmes, trouver les financements, les locaux, etc.
Nous échouerons peut-être, mais nous avons pour ambition de prouver que le déclin de notre instruction nationale ne répond à nulle fatalité autre que celle de notre résignation.

1Il s’agit de faire apparaître très clairement les attentes de l’enseignant, de dire sans détour ce qui est important dans un cours. Cela semble évident, mais ne l’est pas. Voir par exemple :
2Terme de l’OCDE traduit par «compétences».

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 En écho à cette contre réforme : par Alinéa (sur Agoravox) >>>
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Lire également : Pourquoi les socialistes haïssent-ils les professeurs ? Par Denis Collin, décembre 2013